La présence d'idées délirantes au cours d'un épisode dépressif ou maniaque majeur signe-t-elle une affection différente qui aurait ses caractéristiques cliniques évolutives et thérapeutiques propres, se traduisant en particulier par un handicap fonctionnel plus marqué au fil des années? Qu'en serait-il alors de ses rapports avec la maladie maniaco-dépressive et la schizophrénie? La réponse à ces questions apparaît complexe comme le montre l'étude de la littérature qui n'a cessé d'osciller entre une classification dichotomique et unitaire. Jusque vers les années 80, les adolescents présentant des troubles de l'humeur délirants étaient considérés, la plupart du temps, comme des schizophrènes car les troubles délirants l'emportaient sur les troubles thymiques. A partir de cette date, avec l'introduction du DSM III (1980), ces troubles appartiennent plutôt à la catégorie de la maladie maniaco-dépressive. La catégorie des troubles schizo-affectifs devient résiduelle. La schizophrénie et la maladie maniaco-dépressive font-elles partie d'un même continuum ou sont-elles des entités distinctes? La catégorie schizo-affective est-elle une catégorie d'attente, une catégorie résiduelle? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons constitué une cohorte d'adolescents délirants présentant ou non des troubles de l'humeur, dont l'évolution sera suivie de manière prospective sur 5 années. Le présent article est une description des antécédents familiaux, personnels et de la sémiologie délirante de l'épisode index de notre cohorte. L'évolution et la thérapeutique de ces sujets constitueront un autre travail. Cette étude a permis de constater qu'actuellement les troubles de l'humeur délirants sont mieux repérés chez l'adolescent. L'âge du début des troubles, contrairement à ce qui est couramment énoncé, est à peu près équivalent, quelle que soit la catégorie diagnostique: schizophrénie ou maladie maniaco-dépressive. Dans les antécédents familiaux, une nette prédominance des troubles de l'humeur est retrouvée quelle que soit la catégorie diagnostique. L'analyse de la sémiologie psychotique permet de noter l'importance de la non-congruence et des troubles du cours de la pensée chez les patients bipolaires et schizo-affectifs, alors que jusqu'à présent ces signes étaient considérés comme « pathognomoniques» de la schizophrénie. Au total, il apparaît très difficile de distinguer lors d'un premier épisode délirant un trouble de l'humeur délirant, en particulier maniaque, d'une schizophrénie débutante chez l'adolescent. Il n'y a pas d'éléments réellement prédictifs. La catégorie schizo-affective est peu spécifique avec soit des éléments qui la rapprochent des troubles de l'humeur (antécédents personnels), soit des symptômes qui la rapprochent de la schizophrénie (trouble du cours de la pensée). Le diagnostic différentiel entre trouble de l'humeur délirant et trouble schizophrénique délirant sera précisé en fonction de l'évolution et ceci constituera la deuxième partie de notre travail.