Contrairement aux autres produits addictogènes qui agissent via des cibles spécifiques (récepteurs opiacés pour l’héroïne, récepteur cannabinoïde CB1 pour le cannabis, récepteurs nicotiniques pour le tabac, transporteurs des monoamines pour la cocaïne), l’alcool ne se fixe pas sur une cible en particulier, mais intervient à de multiples niveaux, enzymatiques, réceptoriels, etc., dans le cerveau. Certes, comme celle des autres produits addictogènes, la prise d’alcool entraîne une activation du système de récompense (reward system), et donc la libération de dopamine au niveau des projections de la voie méso-cortico-limbique, mais elle provoque aussi une facilitation de la neurotransmission GABAergique inhibitrice et, au contraire, une diminution de la neurotransmisision glutamatergique excitatrice, via des modulations allostériques des récepteurs impliqués (GABA A d’une part, NMDA d’autre part). La répétition de ces actions du fait de la prise répétée d’éthanol déclenche des processus adaptatifs de telle sorte que l’efficacité de la neurotransmission GABAergique diminue progressivement au profit d’une facilitation de la neurotransmission glutamatergique, conduisant à une hyperexcitabilité neuronale, caractéristique de l’alcoolo-dépendance. Si le dysfonctionnement cérébral qui en résulte est bien en cause dans le syndrôme de manque, dès lors son inversion par des agents facilitateurs du GABA ou inhibiteurs du glutamate pourrait ouvrir la voie à des traitements réellement efficaces de l’alcoolo-dépendance. De fait, le baclofène et le gamma-hydroxy-butyrate, en activant directement les récepteurs GABA B, voire des modulateurs allostériques positifs de ces récepteurs, ont d’ores et déjà fait la preuve de leur capacité à réduire l’alcoolo-dépendance [1]. Par ailleurs, des antagonistes des récepteurs NMDA et des modulateurs inhibiteurs de la neurotransmission glutamatergique (dont l’acamprosate) sont également efficaces [2]. Enfin, d’autres composés qui conduisent aussi à une diminution de l’hyperexcitabilité neuronale, mais en bloquant des canaux calciques voltage-dépendants comme la gabapentine et la prégabaline, pourraient renouveler l’arsenal pharmacologique du traitement de l’alcoolo-dépendance [3].