La Hopkins Symptom Checklist-58 ou HSCL-58 (Derogatis et al., 1974) est un autoquestionnaire de 58 items largement employé au cours des essais de psychotropes et en épidémiologie psychiatrique pour l’évaluation des troubles névrotiques et affectifs. Cet instrument permet des scores sur 5 dimensions définies sur des bases théoriques et empiriques (analyses factorielles), dont la validité repose sur la stabilité de la structure factorielle au sein de différents échantillons. Or, la plupart des analyses factorielles de la HSCL-58 ont concerné des groupes de patients recrutés dans des centres de soin (groupes cliniques). Il importait donc de vérifier la stabilité factorielle sur des sujets névrotiques provenant d’une population tout-venant (groupes subcliniques).
Au cours d’une enquête épidémiologique sur les facteurs de risque de prématurité (Mamelle et al., 1987), menée dans 4 maternités de Lyon, 1 643 femmes enceintes de 6 mois avaient rempli un questionnaire psychopathologique comprenant 45 items extraits de la HSCL (la plupart des items manquants par rapport à la HSCL-58 n’appartenaient à aucune des 5 dimensions). Les évaluations d’avant-grossesse ont été utilisées pour définir un groupe ≪subclinique≫, en sélectionnant les femmes qui avaient obtenu les scores totaux à la HSCL (45 items) les plus élevés, ce score procurant une estimation de gravité névrotique. Le seuil de gravité ne pouvant être qu’arbitraire, nous avons décidé de retenir un ratio nombre de sujets/nombre de variables égal à 10. Au total, 457 femmes (27,8% de l’échantillon initial) ont été considérées dans l’analyse. Pour nous assurer de la proximité de ce groupe ≪subclinique≫ d’avec les groupes ≪cliniques≫, nous avons comparé les notes moyennes des items d’anxiété et de dépression de notre échantillon avant et après sélection, avec celles de 3 groupes décrits par Derogatis et al. (1974) : 2 groupes cliniques, un de patients névrotiques anxieux, un autre de déprimés névrotiques, et un troisième groupe de sujets normaux, représentatif de la population d’Oackland. Une analyse en composantes principales avec rotation varimax assortie d’une méthode de choix du nombre de facteurs décrite par Comrey (1978) a été utilisée. Les notes moyennes des items d’anxiété et de dépression de notre groupe ≪subclinique≫ de 457 femmes se sont révélées proches de celles des névrotiques anxieux de Derogatis, mais plus faibles que celles des déprimés névrotiques, et plus élevées que celles des sujets normaux (Tableau I). Une solution à 4 facteurs est apparue la meilleure: ≪vulnérabilité≫, ≪somatisation≫, ≪tension≫, et ≪troubles cognitifs≫ (Tableau II). Deux facteurs (somatisation et troubles cognitifs) reproduisent de près la structure attendue, le facteur vulnérabilité étant proche d’un facteur dépression, mais les items de sensitivité et d’anxiété n’ont pas formé les facteurs espérés.
Nos résultats confirment donc les données de la littérature concernant la stabilité relative des dimensions somatisation et obsession (ou plutôt troubles cognitifs), et l’instabilité des dimensions anxiété et sensitivité, le cas de la dépression étant intermédiaire. Il semble, en conclusion, que les scores dimensionnels de la HSCL-58 ne présentent pas une validité suffisante pour être employés dans les groupes subcliniques.