Published online by Cambridge University Press: 23 March 2011
Ce que dit le Professeur P. E. de Josselin de Jong d'après P. Arndt des conceptions des Ngad'a de Florès pourrait êtré applique presque mot pour mot aux Mnong Gar: “In the spirit world die deva, the spirits, keep buffaloes, just as men do on earth. These spirit buffaloes are each connected with a human being; and when a deva slaughters a buffalo in the spirit world, a man on earth must die.” Ces “spirit buffaloes” correspondent aux hêeng rpuh des Mnong Gar que j'ai traduit faute de mieux par “âmes-buffles.” Chaque fois qu'un sorcier (caak) ou un génie (yaang, ce qui correspond au deva du texte cité) capture une hêeng rpuh, I'homme qui correspond à celle-ci tombe malade, le sacrifice d'un animal—qui peut aller jusqu'à être un buffle—permettra de libérer le malade; lorsque les yaang immolent une “âme-buffle” l'homme qui lui correspond meurt. D'autre part on assimile la croissance sociale de l'homme à la croissance physique de son “âme-buffle;” et le terme même de kuang (que j'ai traduit en français par approximation par “puissant”) sert à désigner l'home puissant, celui qui a été capable d'immoler des buffles (signe suprême de la puissance, ou si i'on veut, de la richess, à condition de donner à ce mot sa connotation mnong: on n'accumule des biens que pour les engloutir dans de grands sacrifices), ce mot kuang désigne un animal adulte mâle, notamment dans rpuh kuang “grand buffle mâle” taille de l'âme buffle d'un homme puissant, d'un kuang. C'est dans ce sens, je crois, qu'il faut considérer le cas du cadavre cité par le Pr. de Josselin de Jong. Autre exemple de corrélation entre l'homme et le buffle: on sait que lorsqu'une épidémie a ravageé un village, les habitants de ce village l'abandonnent un temps, puis reconstruisent leurs maisons sur un autre rngool (emplacement de village). De même, après une grande Fête du Sol (Nyiit Döng) où la majorité des foyers a immolé un ou deux buffles les maisons du village doivent être démontées et reconstruites sur un autre rngool, car l'hécatombe de buffles produit le même effet que la mort de plusieurs hommes.
1 P. E. de Josselin de Jong, op. cit., p. 289, d'après Arndt, P. “Die Religion der Nad'a.” Anthropos v. 24 (1929) p. 837Google Scholar.
2 Citant p. 4 Condominas, Georges, Nous avons mangé la forêt, Paris, Mercure de France, 1957, P. 313Google Scholar.
3 G. Condominas, 1957, p. 17.
4 Sur cette cérémonie, cf. ibid, Chap. VIII, p. 254 sq.
5 II serait trop long d'exposer cela ici à nouveau, et je me permets de renvoyer au Chap. XXXV (et plus particulièrement au paragraphe intitulé “Un univers de formes”) de “I'Exotiqae est quotidian,” ouvrage sous pressc.
6 G. Condominas, 1957, p. 40.
7 Ibid., p. 278.
8 P. E. de Josselin de Jong, in fine et développement, p. 289.
9 Lévi-Strauss, Claude: “La geste d'Asdiwal” Ecole Pratique des Hautes Etudes, Section des Sciences Religieuses, annuaire 1958–1959, pp. 3–43Google Scholar.