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Résumés / Abstracts

Published online by Cambridge University Press:  22 November 2022

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Abstract

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Résumés / Abstracts
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© Éditions de l’EHESS

Adam Izdebski et alii

L’émergence d’une histoire environnementale interdisciplinaire. Une approche conjointe de l’Holocène tardif

Avec l’efflorescence des approches paléoscientifiques du passé, les historiens ont été confrontés à une multitude de nouveaux indices sur des phénomènes tant humains que naturels, des maladies aux migrations en passant par les transformations du paysage et le climat. Ces données inédites exigent une réécriture des récits portant sur les périodes lointaines, remettant en cause à la fois les fondements de l’autorité des sources historiques traditionnelles et la légitimité des personnes habilitées à narrer le passé aux sociétés contemporaines. Les travaux d’histoire appuyés sur les sciences humaines doivent embrasser ces nouveaux types d’indices ; cependant, pour y parvenir, il est nécessaire pour les chercheurs de s’engager dans cette voie de manière critique, comme ils le font pour les sources textuelles et matérielles. Cet article souhaite mettre en lumière les questions méthodologiques les plus essentielles, qui vont des échelles spatio-temporelles et de l’hétérogénéité des nouvelles preuves au rôle à attribuer aux méthodes quantitatives et à la place des données scientifiques dans la construction narrative. Il examine les domaines d’étude où les paléosciences se sont « immiscées » dans des champs et des sujets auparavant réservés aux historiens, notamment l’histoire socio-économique, climatique et environnementale. Les auteurs soutiennent qu’il est urgent pour ces spécialistes d’explorer activement ces pistes novatrices, s’ils entendent contribuer à l’évolution de notre compréhension des défis de l’Anthropocène.

The Emergence of Interdisciplinary Environmental History: Collaborative Approaches to the Late Holocene

With the efflorescence of palaeoscientific approaches to the past, historians have been confronted with a wealth of new evidence on both human and natural phenomena, from human disease and migration through to landscape change and climate. These new data require a rewriting of our narratives of the past, questioning what constitutes an authoritative historical source and who is entitled to recount history to contemporary societies. Humanities-based historical inquiry must embrace this new evidence, but to do so historians need to engage with it in a critical manner, just as they engage critically with textual and material sources. This article highlights the most vital methodological issues, ranging from the spatiotemporal scales and heterogeneity of the new evidence to the new roles attributed to quantitative methods and the place of scientific data in narrative construction. It considers areas of study where the palaeosciences have “intruded” into fields and subjects previously reserved for historians, especially socioeconomic, climate, and environmental history. The authors argue that active engagement with new approaches is urgently needed if historians want to contribute to our evolving understanding of the challenges of the Anthropocene.

Philippe Leveau

Le destin de l’Empire romain dans le temps long de l’environnement (note critique)

Cette contribution a pour point de départ la présentation du livre de K. Harper, qui traite de la place de l’évolution du climat et des maladies dans l’histoire de l’Empire romain. Après avoir présenté les grandes thèses défendues par l’auteur, elle s’attache aux critiques qui ont pu être adressées à ces restitutions par certains historiens : sous-estimation de la complexité de l’évolution climatique, surestimation de la mortalité épidémique, utilisation abusive des apologistes chrétiens, mobilisation des concepts de consilience et de résilience. Ces choix rendent compte des accusations de déterminisme et de réductionnisme dont le livre a fait l’objet. Le récit que K. Harper fait de l’histoire de Rome doit être replacé dans le contexte d’une histoire globale et environnementale promue par des historiens américains qui y saluent une entrée magistrale de l’histoire de Rome dans les préoccupations d’un monde du xxie siècle menacé par les deux conséquences de la globalisation : le changement climatique et les pandémies. Ils s’opposent en cela aux historiens européens qui insistent sur la diversité des conditions environnementales du temps de l’Empire et sur l’héritage historique légué aux nations européennes. Si l’écart entre ces deux approches fait l’intérêt du débat, le « présentisme » dont elles témoignent l’une et l’autre les expose au risque d’interpréter la chute de Rome en fonction des inquiétudes environnementales et géopolitiques actuelles.

The Fate of the Roman Empire in the Long Temporality of the Environment (Review Article)

The starting point of this article is a review of Kyle Harper’s book The Fate of Rome: Climate, Disease, and the End of an Empire. It presents the criticisms that some historians in Europe have leveled at its conclusions, notably that it underestimates the complexity of climate change, overestimates epidemic mortality, and makes misuse of Christian apologists. At the epistemological level, the reference to the sociobiological concept of consilience and the transfer of the physical concept of resilience to human societies are used to justify the hypothesis of common laws governing both human societies and the natural world, and thereby the integration of historical time into the temporality of the environment. These choices account for the accusations of determinism and reductionism that have been made against the book. Yet Harper’s account of the history of Rome must be placed in the context of a global and environmental history promoted by American scholars, who have welcomed it as a masterful entrance of Roman history into a twenty-first-century world threatened by two consequences of globalization: climate change and pandemics. This contrasts with the approach of European historians, who insist on the diversity of environmental conditions across the Roman Empire and on the historical legacy it has bequeathed to European nations. While these two approaches make for an interesting debate, they both attest to a certain “presentism” that risks interpreting the fall of Rome according to current environmental and geopolitical concerns.

Magali Watteaux

Un discours de la méthode pour une histoire environnementale du haut Moyen Âge

Le dernier livre de Jean-Pierre Devroey, La Nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820), paru en 2019, offre une véritable leçon de méthode historique en même temps qu’il incarne les premiers développements de l’histoire environnementale dans le champ de la médiévistique. Bien que l’auteur assume l’inscription de sa recherche dans le contexte actuel des débats et des inquiétudes sur le réchauffement climatique, sa force est de plaider pour une histoire environnementale dégagée de tout déterminisme naturel. La présente contribution propose de revenir sur ce qui caractérise la méthode de J.-P. Devroey, en particulier s’agissant de l’articulation entre événements climatiques ou biologiques et crises frumentaires. Enfin, des convergences peuvent être discernées avec de récents travaux en histoire du droit, en archéogéographie et en géoarchéologie, qui dessinent les contours des synthèses plus vastes restant à écrire.

Toward an Environmental History of the Early Middle Ages

Jean-Pierre Devroey’s 2019 volume La Nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820), offers a real lesson in historical method while also embodying the first developments of environmental history in the field of medieval studies. Although the author acknowledges that his research is rooted in current debates and concerns about global warming, the real strength of his work is its plea for an environmental history free from all natural determinism. This article takes a closer look at what characterizes Devroey’s methodology, in particular with regard to connections between climatic or biological events and crop crises. It also points to convergences with recent works in the history of law, archaeogeography, and geoarchaeology, which are beginning to sketch the outlines of broader syntheses yet to be written.

Geneviève Bührer-Thierry

La Nature et le corps du roi. L’idéologie politique des temps caroligiens.

Dans son livre La Nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820), Jean-Pierre Devroey traite en profondeur, à travers plusieurs chapitres, de la personne du roi dans la bonne marche du monde, mettant ainsi en évidence la pluralité des héritages dans la construction idéologique du monde carolingien. Se poser la question de la place du roi au sein de la Nature permet d’appréhender cette médiation si particulière, qui repose en grande partie sur le corps du roi et puise à différentes traditions, largement reformulées dans le cadre d’une pensée chrétienne. Depuis les influences insulaires, notamment irlandaises, jusqu’à la culture de cour de la fin du ixe siècle, on possède des indices montrant que le corps du roi carolingien – mais sans doute aussi celui de la reine – constitue un élément de stabilité au sein du cosmos dont il garantit l’équilibre à condition de rester dans la « voie droite ». Ces conceptions s’estompent largement après le xie siècle dans la mesure où le roi n’est plus reconnu comme médiateur privilégié entre le Nature et la surnature.

Nature and the Body of the King: Reflections on the Political Ideology of the Carolingian Period

Several chapters of Jean-Pierre Devroey’s book La Nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820) explore the role of person of the king in the proper functioning of the world, thus highlighting the plural heritages present in the ideological construction of the Carolingian world. Reflecting on the king’s place in nature reveals a particular form of mediation, based largely on the royal body and drawing on different traditions reformulated within the framework of Christian thought. Insular influences (notably Irish), together with the court culture of the late ninth century, suggest that the body of the Carolingian king—and probably also that of the queen—formed an element of stability within the cosmos, guaranteeing its equilibrium as long as they remained on the “right path.” However, these concepts largely faded away after the eleventh century, with the king no longer recognized as a privileged mediator between nature and the supernatural.

Michel Reddé

Le développement économique des campagnes romaines dans le nord de la Gaule et l’île de Bretagne. Des approches renouvelées

Deux vastes enquêtes archéologiques récentes sur le monde rural de la Bretagne insulaire et de la Gaule du Nord à l’époque romaine offrent l’occasion de proposer une vision renouvelée des campagnes et de réfléchir sur les modalités de la croissance de l’économie antique dans les provinces du nord-ouest de l’Empire. Il apparaît aujourd’hui que celle-ci s’est appuyée sur un socle protohistorique déjà très solide et que la conquête n’a pas, en elle-même, provoqué des mutations immédiates ou de véritable boom économique. Le développement de l’agriculture s’apparente à un mouvement de long terme qui a atteint son pic au IIe siècle, avant de régresser doucement, ses limites ayant alors probablement été atteintes. L’émergence de la villa romaine, traditionnellement considérée comme le moteur du progrès, s’est faite plus lentement qu’on ne le pensait, et il s’agit maintenant de revenir sur l’opposition classique entre grands domaines réputés productifs et petites fermes vouées à l’autosuffisance. Les deux enquêtes menées de part et d’autre de la Manche ont en outre beaucoup insisté sur la diversité des systèmes agro-pastoraux observés. L’article se propose donc de réexaminer les indices de la croissance à l’aide de divers proxies (densité de l’occupation du sol, volume des greniers, taille des animaux), les possibles facteurs de l’essor économique (démographie en hausse, accroissement de la surface cultivée, méthodes de culture, meilleure productivité, nouveaux marchés) et le rythme du développement, tout en soulignant les limites de celui-ci et la différenciation régionale qui en a résulté.

The Economic Development of the Countryside in Northern Gaul and Britain during the Roman Era: Some New Approaches

Two recent, large-scale archaeological surveys on the rural world of Britain and northern Gaul in the Roman period provide an opportunity to propose a new vision of the countryside and to reflect on the modalities of economic growth in the north-western provinces of the Empire. It now appears that this growth was based on an already very solid development during the Late Iron Age and that the conquest did not, in itself, provoke immediate change or a real economic boom. Agricultural development was a long-term movement that reached its peak in the second century before slowly regressing, perhaps because its limits had been reached. The emergence of the Roman villa, traditionally considered the driving force of progress, was slower than previously thought, and it is probably necessary to reconsider the classic opposition between “productive” large estates and small farms dedicated to self-sufficiency. The two surveys carried out on either side of the Channel have also emphasized the diversity of the agro-pastoral systems observed. This article therefore proposes to reexamine the indices of growth using various proxies (density of land use, volume of granaries, size of animals), the possible factors of economic development (demographic growth, increase in cultivated area, cultivation methods, improved productivity, new markets), and the pace of development, while highlighting the limits of this development and the regional differentiation that resulted from it.