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Le Prince et Les Savants la Civilité Scientifique au 17e Siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Mario Biagioli*
Affiliation:
Université de Harvard

Extract

La création d'académies scientifiques en Italie, en Angleterre et en France au 17e siècle s'accompagne d'un débat sur les protocoles de bonne conduite auxquels les académiciens devaient se soumettre lors de la présentation, de l'approbation ou de la publication des propositions des savants concernant la connaissance des choses de la nature. Ces institutions produisaient leurs résultats en s'obligeant à une mise en commun des preuves, ainsi qu'à une collégialité du témoignage et des évaluations touchant les expérimentations scientifiques et leurs comptes rendus : aussi toute forme d'incivilité menaçait-elle la possibilité même de ce type de connaissance. Les bonnes mœurs philosophiques étaient également essentielles pour ce qui concernait les relations des académies avec leurs mécènes princiers — des relations qui, par exemple, auraient pu être dégradées par la publication de thèses litigieuses et par les controverses qui s'ensuivraient. Autant d'affaires sérieuses puisque les princes n'assuraient pas seulement les académies d'un soutien financier, mais les couvraient de leur autorité.

Summary

Summary

Moving from Norbert Elias’ analysis of the role of etiquette in the development of court society and political absolutism, I argue that scientific subjectivities and authority were also constructed through etiquette-based processes — processes that allowed for the development of social figurations of increasingly interdependent scientific practitioners. Using examples drawn from the history of the Accademia del Cimento, the Royal Society, and the Académie Royale des Sciences, this essay discusses how different degrees of princely involvement in these academies may account for the relative similarities and differences between courtly etiquette and the protocols of professional sociability of the early scientific institutions.

Type
Rhétorique et Civilité. L'Histoire des Sciences. 16e-17e Siècles
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1995

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References

1. Je tiens à remercier Ruth Ben-Ghiat, Domenico Bertoloni Meli, Sande Cohen, Reine L. Daston, Arnold Davidson, Moti Feingold, Peter Galison, Carlo Ginzburg, Roger Hahn, Jonathan Harwood, Stéphanie Kenen, Jacques Revel, Simon Schaffer, et Jean Titilah. Des premières versions de cet article ont été communiquées dans différents lieux pendant plusieurs années. Je voudrais remercier tous les collègues qui, par leurs commentaires et leurs critiques m'ont aidé en ces occasions.

2. Biagioli, M., Galileo Courtier, Chicago, University of Chicago Press, pp. 1519.Google Scholar

3. Sur les stratégies des physiciens, cf. M. Biagioli, « Scientific Révolution, Social Bricolage, and Etiquette », Porter, Roy et Teich, Mikulas éds, The Scientific Révolution in National Context, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, pp. 1520.Google Scholar Sur le rôle du prince dans la légitimation de l'anatomie et de la physiologie nouvelles, cf. Adelman, Howard éd., The Correspondance of Marcello Malpighi, Ithaca, Cornell University Press, 1975, vol. 1, pp. 156, 190, 199.Google Scholar

4. Sur les rapports entre science et culture curiale, voir entre autres : Westman, Robert, « The Astronomer's Rôle in the Sixteenth Century : a Preliminary Study », History of Science, 18, 1980, pp. 105147 Google Scholar ; id., « Proof, Poetics, and Patronage : Copernicus’ Préface to De Revolutionibus », dans David Lindberg et Robert Westman éds, Reappraisals ofthe Scientific Révolution, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, pp. 167-205 ; Tribby, Jay, « Cooking, with Clio and Cleo : Eloquence and Experiment in Seventeenth-Century Florence », Journal of the History of Ideas, 52, 1991, pp. 417439 Google Scholar ; « Body/Building : Living the Muséum Life in Early Modem Europe », Rhetorica, 10, 1992, pp. 139-163 ; Findlen, Paula, « Controlling the Experiment : Rhetoric, Court Patronage and the Expérimental Method of Francesco Redi », History of Science, 31,1993 ; id., Possessing Nature : Muséums, Collecting, and Scientific Culture in Early Modem Italy, Berkeley, University of California Press, 1994 Google Scholar ; Moran, Bruce, The Alchemical World of German Court, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1991 Google Scholar ; id. éd., Patronage and Institutions, Woodbridge, Boydell, 1991 ; et Smith, Pamela H., The Business of Alchemy, Princeton University Press, 1994.Google Scholar

5. M. Biagioli, Galileo Courtier, pp. 353-362.

6. Sur la légitimation princière, son efficience localisée et les modalités de sa diffusion plus large, cf. ibid., pp. 54-59, 96-100,103-139.

7. Les questions de politesse et d'étiquette sont évoquées dans les titres de la note 3, mais aussi dans : Shapin, Steven, « Pump and Circumstance : Boyle's Literary Technology », Social Studies of Science, 14, 1984, pp. 502507 Google Scholar ; id., The House of Experiment in Seventeenth-Century England », his, 79,1988, pp. 397-398 ; id., « A Scholar and a Gentleman : the Problematic Identity of the Scientific Practitioner in Early Modem England », History of Science, 29, 1991, pp. 279-327 ; id., A Social History of Truth, Chicago, University of Chicago Press, 1994 ; Schaffer, S., « Self Evidence », Critical Inquiry, 18, 1992, pp. 327362 Google Scholar ; L. Daston, « Baconian Facts, Académie Civility and the Prehistory of Objectivity », Megill, Allan éd., Rethinking Objectivity, Durham, Duke University Press, 1994, pp. 3763 Google Scholar ; id., « The Moral Economy of Science », Osiris, 10, 1995, pp. 3-24 ; Biagioli, M., « Tacit Knowledge, Courtliness, and the Scientist's Body », Susan Foster éd., Choreographing History, Bloomington, Indiana University Press, 1995 Google Scholar, à paraître ; et Christian Licoppe, « The Crystallization of a New Narrative Form in Expérimental Reports, 1660-1690 : The Expérimental Evidence as a Transaction between Philosophical Knowledge and Aristocratie Power », Science in Context, 7, 1994, pp. 205-244.

8. Elias, Norbert, trad., La société de cour, Paris, Flammarion, 1985.Google Scholar J'expose cet argument dans « Scientific Révolution Social Bricolage, and Etiquette », pp. 15-39. Sur « procès de civilisation » et tendance à la « politesse philosophique », cf. L. Daston, art. cité, pp. 53-54.

9. Sur les modalités de présentation légitime des thèses, cf. Ian Hacking, « Language, Truth and Reason », Hollis, Martin et Lukes, Steven éds, Rationality and Relativism, Cambridge, Ma., MIT Press, 1982, pp. 4866 Google Scholar, et « Style for Historians and Philosophers », Studies in History and Philosophy of Science, 23, 1992, pp. 1-20, et « La metafisica degli stili di ragionamento scientifico », Iride, 4-5, 1990, pp. 7-22 ; ainsi que Arnold I. DAVIDSON, « Styles of Reasoning, Conceptual History, and the Emergence of Psychiatry », Peter Galison et David Stump éds, Disunity and Contextualism, Stanford, Stanford University Press, à paraître.

10. Je me limite ici à l'étude des formes de sociabilité développées parmi les savants liés aux académies scientifiques protégées par les princes. Sont exclues par conséquent les considérations sur les autres cercles d'activité scientifique, tels les universités, la Compagnie de Jésus, ou le cadre professionnel des artisans et des ingénieurs.

11. Fermi, Stefano, Lorenzo Magalotti, Piacenza, Bertola, 1903, p. 73.Google Scholar

12. A cette catégorie appartiennent Christiaan Huygens, Henry Oldenburg, John Locke, Martin Lister, Samuel Sorbière, Balthazar de Montconys, Otto von Guericke, Cassiano dal Pozzo, Lorenzo Magalotti, et Leibniz. Sur le recoupement des réseaux diplomatiques et philosophiques, cf. M. Biagioli, Galileo Courtier, désormais op. cit., pp. 54-59. Sur les réseaux de correspondance dans la république des lettres, cf. Bots, Hans et Waquet, Françoise éds, Commercium Litterarium : Forms of Communication in the Republic of Letters, 1600-1750, Amsterdam, APA, 1993.Google Scholar

13. Sur les tensions inhérentes aux catégories de civilité, d'étiquette, et de politesse, cf. Revel, Jacques, « Les usages de la civilité », dans Chartier, Roger, éd., Histoire de la vie privée, vol. III, pp. 169211 Google Scholar ; Whigham, Franck, Ambition and Privilège, Berkeley, University of California Press, 1984 Google Scholar ; et France, Peter, Politeness and Its Discontents, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, pp. 5373.Google Scholar Sur les rapports entre étiquette et hiérarchie curiale, cf. N. Elias, op. cit., p. 74.

14. Biagioli, M., opr. cit., pp. 189-207, 214-242 ; S. Shapin et S. Schaffer, trad., Leviathan et la pompe à air, Paris, Editions la Découverte, 1993, pp. 22149.Google Scholar Sur le rôle de l'étiquette dans la querelle entre Newton et Hooke sur la nature de la lumière, cf. S. Schaffer, « Glass Works », David Gooding, Trevor Pinch, et Schaffer, S. éd., The Uses of Experiments, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, pp. 8096.Google Scholar

15. Ismael Boulliau à Christiaan Huygens, 6 décembre 1658, OEuvres complètes de Christiaan Huygens, La Haye, Martinus Nijhoff, 1889, vol. II, p. 287.

16. Courtin, Antoine De, Nouveau Traité de Civilité (cité ici dans l'édition de 1675 de Bruxelles), p. 50. Les manuels d'étiquette anglais contiennent les mêmes conseils, cf. The Art of Complaisance, Londres, Starkey, 1677, p. 55 (sans nom d'auteur).Google Scholar

17. Brown, Harcourt, Scientific Organizations in Seventeenth Century-France, New York, Russel & Russel, 1967, p. 133.Google Scholar

18. Cosimo II, protecteur de Galilée, lui demanda en 1611 après la querelle sur l'élasticité de s'exprimer par écrit et de ne pas s'engager dans des disputes publiques, cf. M. Biagioli, op. cit., pp. 178-180.

19. Borelli à Malpighi, 5 janvier 1664, Adelman, H. éd., The Correspondance of Marcello Malpighi, vol. 1, p. 193.Google Scholar

20. M. Biagioli, op. cit., pp. 73-84.

21. Galluzzi, Paolo, « L'Accademia del Cimento : “gusti” del principe, filosofia e ideologia delresperimento », Quaderni Storici, 16, 1981, p. 826 Google Scholar ; Léopold de Medicis à Christiaan Huygens, 14 septembre 1660, dans Angelo A. Fabroni éd., Lettere inédite di uomini illustri, Florence, Moucke, 1775, vol. II, p. 82.

22. Helden, Albert Van, « The Accademia del Cimento and Saturn's Ring », Physis, 15, 1975, pp. 244259.Google Scholar Sur les préoccupations d'étiquette suscitées par cette dispute, lire l'échange épistolaire entre Léopold et ses collaborateurs, dans A. Fabroni éd., op. cit., vol. II, pp. 82, 87, 97, 98, 101, 103, 109.

23. Bonelli, Maria Luisa Righini et Helden, Albert Van, Divini and Campani : A Forgotten Chapter in the History of the Accademia del Cimento, Florence, Istituto e Museo di Storia délia Scienza, 1981, p. 13.Google Scholar Borelli, dans une lettre du 18 septembre 1660, mentionne que Léopold ne lui a pas permis de communiquer les résultats qu'il avait obtenus sur cette question, cf. A. ADELMAN éd., The Correspondence of Marcello Malpighi, vol. 1, p. 44.

24. En réalité, Huygens est amené à opérer un « bricolage » entre les deux styles de règles morales ; le protocole noble lui est nécessaire pour être reconnu des autres savants dans le champ de la philosophie naturelle, mais il ne dédaigne pas les avantages économiques des inventions techniques par exemple, ce qui le conduit à des disputes obéissant aux règles du milieu artisan. Sur l'ethos de Huygens, cf. les articles de Bos, Bachrach, , Hall, , Helden, Van, Léopold, et Mahoney, dans Studies on Christiaan Huygens, Lisse, Swets & Zeitlinger, 1980.Google Scholar

25. Rob Iliffe, « In the Warehouse » pp. 41-55 et Adrian JOHNS, l'excellent « Wisdom in the Concourse », thèse de PhD, University of Cambridge, 1992, pp. 170-180. Sur la figure comparable de Roberval, cf. H. Brown, op. cit., pp. 82-89. Pour un portrait sans concessions de Roberval par un de ses contemporains, cf. Magalotti, Lorenzo, Relazioni di viaggio, Walter Moretti éd., Bari, Laterza, 1968, p. 194.Google Scholar

26. H. Brown, op. cit., pp. 78-79. Ceci vaut pour l'invention comme pour la découverte. Les disputes de priorité y sont âpres, non seulement à cause des avantages financiers, mais aussi parce que chacun croit qu'il s'agit de la même invention : cette conception « essentialiste » conduit à voir l'adversaire comme un voleur qui ne mérite pas d'être traité poliment.

27. Ariew, Roger, « Damned if You Do : Cartesians and Censorship, 1663-1706 », Perspectives on Science, 2, y, pp. 255274 Google Scholar, montre que la philosophie corpusculaire de Gassendi, comparable à celle de Descartes n'attira guère la censure ou la critique parce qu'elle n'était pas perçue comme dogmatique, contrairement à la philosophie cartésienne.

28. Glanvill, Joseph, Scepsis Scientifica, Londres, Éversden, 1665, p. 170.Google Scholar

29. Fontenelle, , Histoire de l'Académie Royale des Sciences depuis son établissement en 1666 jusqu'à 1686, Paris, 1733, t. I, p. 16 Google Scholar ; Hirschfield, John M., The Académie Royale des Sciences, 1666-1683, New York, Arno Press, 1981, p. 127.Google Scholar L'opposition de la Royal Society à tout dogmatisme est un leitmotiv de Thomas Sprat, History of the Royal Society, Londres, 1667. Oldenburg, en 1668, écrivait que le but des académies est d'imposer l'abandon total des « disputations scolastiques qui ne servent qu'à embarrasser l'esprit et à maintenir des querelles non seulement inutiles mais pernicieuses », The Correspondence of Henry Oldenburg, Rupert Hall, A., Hall, Marie Boas éds, Madison, University of Wisconsin Press, 1965-86, vol. IV, p. 100.Google Scholar Lorenzo Magalotti présente le fondateur de l'Accademia del Cimento comme opposé « à l'approche servile (scolastique) de la philosophie », cf. A. Fabroni, op. cit., vol. 1, p. 3. Sur le mépris du style scolastique, cf. aussi M. Biagioli, op. cit., pp. 112-120, 269-273. Le maintien — formel — des cartésiens et des membres des ordres religieux hors l'académie des sciences est aussi relié à l'interdit sur les systèmes philosophiques. Sur l'exclusion des cartésiens, cf. Roger Hahn, The Anatomy of a Scientific Institution : The Paris Academy of Sciences, 1666-1803, Berkeley, University of California Press, 1971, p. 15. Sur les premiers interdits concernant les jésuites et les paracelsiens, cf. Alice Stroup, A Company of Scientists, Berkeley, University of California Press, 1990, p. 17. Un interdit contre la présence des religieux dans les académies fut aussi décrété par l'Accademia dei Lincei de Rome, B. Odescalchi, Memori istorico entiche dell’ Accademia dei Lincei, p. 213.

30. Sorbière, Samuel, « De la source des diverses Opinions sur une mesme matière », Lettres et Discours sur diverses matières curieuses, Paris, 1660, pp. 701704.Google Scholar Sur son nominalisme, cf. aussi « De la vérité de nos connaissances Naturelles », ibid., pp. 694-700. On trouve une idée comparable, qui ne concerne pas exclusivement la philosophie naturelle, dans The Art of Complaisance, op. cit., p. 54.

31. S. Shapin et S. Schaffer, op. cit., pp. 29-109.

32. Sur la politesse liée aux « faits singuliers », cf. L. Daston, art. cité, pp. 38-58.

33. Robert Hooke, Micrographia, Londres, 1665, p. 24 de la préface, c'est moi qui souligne.

34. Sur le Bureau d'Adresse de Renaudot, cf. Howard M. Solomon, Public Welfare, Science, and Propaganda in Seventeenth-Century France : The Innovations of Theophraste Renaudot,. 65. Sur la Lincei, cf. B. Odescalchi, op. cit., p. 218. Sur l'exclusion des sujets théologiques et la concentration sur la connaissance de la nature et des arts utiles dans la Royal Society, cf. A. Ruppert Hall, Marie Boas Hall éds, The Correspondence of Henry Oldenburg, op. cit., vol. 2, p. 111. A propos du projet d'une « compagnie des Sciences et des Arts », on trouve : « Dans les réunions, on ne devra jamais discuter des mystères de la religion ou des affaires de l'État », OEuvres complètes de Christiaan Huygens, vol. IV, p. 328. L'Académie décida d'une clause contre les discussions métaphysiques et la recherche des causes finales, l'interdit théologico- politique étant trop évident pour être explicité, cf. R. Hahn, op. cit., pp. 32-33.

35. Gabrieli, Giuseppe, « Il carteggio linceo », part I, Memorie délia Reale Accademia Nazionale dei Lincei, Classe di Scienze morali storiche et filologiche, séries 6, 7, 1938, p. 65.Google Scholar

36. Comme l'explique Louis XIV, la raison d'État explique tout, même si seuls les princes la connaissent. « Ce qu'ils [les rois] semblent faire quelquefois contre la loi commune est fondé sur la raison d'État, la première des lois par le consentement de tout le monde, mais la plus inconnue et la plus obscure à tous ceux qui ne gouvernent pas » (cité dans Paul W. Fox, « Louis XIV and the Théories of Absolutism and Divine Right », The Canadian Journal of Economies and Political Science, 26, 1960, p. 139). On trouve des formules comparables dans Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups d'État, 1639, et Daniel De Priezac, Discours politiques, 1652 cités dans See, Henr, Les idées politiques en France au XVIIe siècle, Paris, 1923, Slatkine Reprints, 1978, pp. 8283.Google Scholar

37. Renaudot, , Première centurie des questions traitées aux conférences du bureau d'adresse, Paris, 1634, préface, p. 2.Google Scholar

38. Cité dans Alfred Maury, « Les Académies d'autrefois », Journal des Scavans, juin 1866, p. 349. La séance est sans doute de 1669.

39. A l'exception notable du Leviathan de Hobbes qui tente de dissiper l'aura de mystère entourant les fondations de l'État et de la royauté, la raison commune et la raison d'État sont nettement distinguées dans la littérature qui en traite : la raison d'État agit pour la stabilité de l'État et dépasse l'entendement commun. Cette littérature renoue avec une distinction tranchée, héritée du stoïcisme de Tacite, entre l'attitude de détachement individuel à l'égard de l'assujettissement au prince, et l'acceptation publique de la raison d'État et de ses mystères, cf. Oestreich, Gerhard, Neostoicism and the Early Modem State, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, pp. 2875 Google Scholar et Keohane, Nanerl, Philosophy and the State in France, Princeton, Princeton University Press, 1980, pp. 119182.Google Scholar

40. Significativement, c'est le régime absolutiste qui voit naître la théorie des probabilités. Dans les Pensées de Pascal, la question de la vérité et de la justice, connectée à celle du pouvoir et de la fonction du monarque engage un modèle probabiliste, cf. Matthew JONES, « Pascal's Coeur and Louis’ Cour : Justice and Probability », Dpt of History of Science, Harvard University, manuscrit non publié, 1993.

41. Castiglione, Baldassar, Le Livre du Courtisan (1580) (I, xxvi), trad. Paris, Éditions Flammarion, 1991, p. 54.Google Scholar

42. Antoine de Courtin, op. cit., p. 8.

43. Norbert Elias, op. cit., pp. 62-115.

44. Ibid. pp. 82-83, 86-87 et 133.

45. Elias, Norbert, trad., La société des individus, Paris, Fayard, 1991, pp. 37109.Google Scholar

46. Marin, Louis, Le Portrait du Roi, Paris, Minuit, 1981, pp. 3437.Google Scholar

47. Op. cit., p. 37.

48. Selon de Courtin, op. cit., « c'est un manque de respect considérable de prononcer le moindre mot immodeste devant quiconque, mais surtout devant des personnes d'Honneur ».

49. Francesco Liberati prévenait les courtisans de ne pas s'approcher trop près des princes parce qu'« ils sont comme le feu, placés à bonne distance, ils procurent lumière et chaleur, mais si on les approche de trop près, ils peuvent brûler et rendre aveugle », // perfetto Maestro di casa, Rome, Bernabo, 1658, p. 9.

50. N. Elias, La société de cour, pp. 135-137.

51. Les deux topoï de l'« électricité » et du « capital » nous aident ici à cerner la figure de l'autorité : celui du capital est pris ici au sens de Bourdieu — des marques de distinction non réductibles au champ économique peuvent légitimement en relever ; celui de l'électricité est certes métaphorique, mais il permet de visualiser l'instabilité des processus par lesquels crédit, autorité et capital se constituent.

52. Cf. Iliffe, Rob, « Author-Mongering : the « Editor » between Producer and Consumer », Anne Bermingham et John Brewer éds, Commodities and Culture, vol. III, Word, Image, Object, Londres, Routledge, 1995, sous presseGoogle Scholar ; et id., « Foreign Bodies : « Strangers » and Natural Philosophy in the Restoration », non publié.

53. Warren Hagstrom, « Gift-Giving as an Organizing Principle in Science », Barry Barnes et David Edge, Science in Context, Cambridge, Ma., MIT Press, 1982, pp. 21-34 soutiennent que ce système est encore opérant dans le champ scientifique actuel.

54. Avant la publication des Transactions la récompense des contributeurs tenait à la présentation publique de leurs travaux devant cette assemblée, et à l'accréditation qui en découlait. Mais les Transactions constituèrent pour la Society un pouvoir de récompense bien plus considérable encore, cf. Adrian Johns, op. cit., pp. 162-163.

55. La Distinction, critique sociale du jugement, Paris, Editions de Minuit, 1979, de P. Bourdieu, est une source d'inspiration importante de cet article. Sur les pourparlers difficiles de la Society avec imprimeurs et libraires, et la place de l'auteur dans la philosophie naturelle, cf. Adrian JOHN, op. cit., ch. 4, « Piracy and Usurpation : Natural Philosophy in the Restoration », pp. 135-188.

56. N. Elias, op. cit., pp. 68-70, 74-75, et surtout p.119.

57. S. Shapin, « O Henry », art. cité, pp. 420-424 ; id., A Social History of Truth, pp. 267-291 ; cf. aussi les analyses de R. Iliffe et A. Johns sur la tension suscitée par la querelle entre Hooke et Huygens, voir note 60.

58. Sur l'octroi de l'imprimatur à la Society, fondamental pour son évolution en centre d'autorité au sein de la république des lettres, cf. The Record of the Royal Society of London, Londres, Royal Society, 1940, Charter 1662, p. 234.

59. Cf. L. DASTON, « The Idéal and the Reality of the Republic ofJLeitersJn^the Enlightenment », Science in Context, 4, 1991, pp. 367-386 sur cette tension entre champ liational et ouverture internationale.

60. Cependant Oldenburg ne se maintenait pas dans la neutralité d'un maître d'oeuvre impartial et privilégiait certains membres comme Boyle, son protecteur, aux dépens d'autres, comme Hooke. En réalité les pouvoirs et les devoirs du secrétaire furent vite redéfinis après la mort de Oldenburg, suite aux tensions suscitées par la querelle Hooke-Huygens (Adrian Johns, op. cit., pp. 178-180).

61. Sur les rapports entre changements d'étiquette initiés par Louis et la prédominance de certains groupes sur d'autres, cf. N. Elias, op. cit., pp. 53-54, 74-75, 133-134.

62. R. Iliffe, art. cité.

63. Sur l'Accademia del Cimento, Giovanni Tozzetti, Targioni, Notizie degli aggrandimenti délie scienze fisiche accaduti in Toscana nel corso di anni LX del secolo XVII, Florence, Bouchard, 1780 Google Scholar ; reprint Bologne, Forni, 1970 ; Knowles Middleton, W. E., The Expérimenters, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1971.Google Scholar J'ai repris ici plusieurs éléments à P. Gaixuzzi, « L'Accademia del Cimento » art. cité, pp. 788-844.

64. Ibid., pp. 790-793.

65. Ibid., pp. 793-797.

66. Baldinucci, Filippo, Notizie dei professori del disegno da Cimabue in qua, Florence, Franchi, 16811727.Google Scholar Sur les rapports Baldinucci-Léopold, cf. Goldberg, Edward, After Vasari : History, Art, and Patronage in Late Medici Florence, Princeton, Princeton University Press, 1988.Google ScholarSur ce projet considéré plus largement, cf. Tribby, Jay, « Club Medici : Natural Experiments and Imagineering of “Tuscany” », Configurations, 2, 1994, pp. 215235.Google Scholar

67. Pour de brèves biographies des participants à la Cimento, cf. W. E. Knowles Middleton, op. cit., pp. 26-40. Sur le plus pittoresque d'entre eux, Antonio Oliva, cf. Ugo Baldini, Un liberto accademico del Cimento : Antonio Oliva, Florence, Istituto e Museo di Storia délia Scienza, 1977.

68. Cf. la préface aux Saggi, Saggi di naturali esperienze fatte nell'Accademia del Cimento sotto la protezione del Serenissimo Principe Léopold di Toscana e descritte dal segretario di essa Accademia, Florence, 1667, reprint dans Giorgio ABETTI, Pietro Pagnini éds, L'Accademia del Cimento, Florence, Barbera, 1942, p. 85

69. P. Galluzzi, ait. cité, pp. 796,798. Un prince ne pouvant « vendre » quoi que ce soit, les Saggi ne pouvaient être achetés.

70. Prologue des Saggi, d'après Targioni Tozzetti, op. cit., t. 2, part. 2, p. 381. Même idée dans Magalotti, « Elogio del Cardinal Léopoldo », A. FABRONI éd., Lettere inédite…, vol. 1, p. 21. G. Abetti et P. Pagnini éds, op. cit., pp. 83-87 et 124. Pour un autre exemple de l'implication de Léopold dans les problèmes de politesse scientifique, cf. A. FABRONI, éd., op. cit., lettre à Huygens du 10 février 1667, vol. 1, p. 220

72. Targioni Tozzetti, op. cit., t. 2, part. 2, p. 381.

73. Michelangelo Ricci à Léopold de Medicis, 8 juillet 1663 dans A. Fabroni éd., op. cit., vol. II, pp. 117-118.

74. P. Galluzzi, art. cité, p. 806.

75. Ibid., pp. 805-811.

76. Ibid., pp. 795-797.

77. A. Fabroni éd., op. cit., vol. 2, p. 131, Léopold à Ricci ; ibid., vol. 1, pp. 94-95, Borelli à Del Buono, le 10 octobre 1657 ; P. Galluzzi, art. cité, pp. 806-807.

78. Journal des Scavans, Amsterdam, Pierre le Grand, 1669, t. I, p. 519.

79. L. Magalotti à Léopold, 13 mars 1668, dans A. FABRONI éd., op. cit., vol. 1, p. 303.

80. Sur la politique de contrôle culturel de Louis, cf. Jean-Marie Apostolidès, Le Roi Machine, Paris, Minuit, 1981, chap. 2, « L'organisation de la culture ». Sur la place de l'Académie dans cette politique, cf. R. Hahn, Anatomy…, pp. 12-13, 52-53. Colbert eut d'autres projets avant 1666, non moins vastes, comme la Compagnie des Sciences et des Arts, dont la finalité est plus technologique, cf. « Projet de la compagnie des Sciences et des Arts », Œuvres complètes de Christiaan Huygens, vol. IV, pp. 325-329, ou l'académie générale de Charles Perrault, devant comprendre tous les domaines d'érudition exceptés les domaines pratiques, cf. « Note de C. Perrault à Colbert pour l'établissement d'une Académie générale », Clément, Pierre éd., Lettres, Instructions et Mémoires de Colbert, Paris, 1861-82, vol. V, pp. 512514.Google Scholar

81. La description de la visite du 5 décembre 1681 se trouve au t. 2 de Fontenelle, Histoire de l'Académie Royale des Sciences, p. 319. On peut y voir que les expériences montrées ont été sélectionnées pour leur caractère non problématique.

82. « L'Académie fut mandée sur le lieu, et le roi ne dédaigna pas d'être présent à l'examen de quelques-uns des partis… », A. Maury, art. cité, p. 345.

83. Cf. S. Shapin, « The House of Experiment », art. cité, p. 382. de même, Léopold qui travaillait avec ses savants les invitait à le rejoindre en ses appartements privés, cf. W. E. Knowles Middleton, op cit., p. 57. La Cimento s'exécutait aussi en pleine cour, mais il s'agissait moins d'élaboration scientifique que de spectacle.

84. Cette fluidité, opposée à toute bureaucratie indépendante, allait évidemment dans le sens de l'intérêt du prince qui était de concentrer le pouvoir entre ses mains.

85. Jusqu'en 1672, ce n'est pas à l'Académie royale des Sciences que le Journal des Scavans se référait mais à « ceux qui se réunissent dans la bibliothèque royale », Elmo Stewart SAUNDERS, « The Décline and Reform of the Académie Royale des Sciences à Paris », thèse de PhD, The Ohio State University, 1980, p. 110 ; J. M. Hirschfield, Académie Royale, p. 21.

86. A. Stroup, op. Cit., p. 211.

87. J. M. Hirschfield, op. cit., pp. 68, 119 ; A. Maury, art. cité, p. 339. Ce fut le cas d'un savant pourtant bien introduit tel que Martin Lister, dans M. Lister, A Journey to Paris in the year 1698, Londres, 1699, p. 80. Fontenelle fait état de ce secret dans Histoire du renouvellement de l'académie royale des Sciences en Mdcxcix, Amsterdam, 1709, p. 44. Cette pratique du secret était délibérée : « toutes les choses qui seront proposées dans l'assemblée demeureront secrètes [et] l'on ne communiquera rien au dehors que du consentement de la Compagnie… », Archives de l'Académie des Sciences, Procès Verbaux des Séances de l'Académie des Sciences, Registre de Physique, t. I, p. 200, séance du 15 janvier 1667.

88. Sur les tensions entre la politique de secret de l'académie et les revendications des savants pour la reconnaissance de leurs résultats, cf. A. Stroup, op. cit., pp. 204-217. Dans la Cimento, Borelli semble s'être pris pour l'auteur des hypothèses de Huygens et Divini Fabri sur les anneaux de Saturne alors qu'il les vérifiait, Targioni Tozzetti, op. cit., 1.1, p. 385. Dans sa lettre du 4 décembre 1661 à Vincenzo Viviani, Magalotti le critique aussi pour « s'être attribué des expériences faites à l'Accademia del Cimento sur la légèreté des corps, méconnaissant les lois de l'académie qui veulent que tout soit traité en commun », cité dans S. FERMI, Lorenzo Magalotti, p. 83.

89. « En vertu de ce Règlement, l'Académie des Sciences devient un corps, établi en forme par l'autorité Royale, ce qu'elle n'était pas auparavant », Fontenelle, op. cit., p. 43.

90. J. M. Hirschfield, op. cit., p. 19.

91. Clarke, Jack, « Abbé Jean Paul Bignon “Moderator of the Académie and Royal Librarian” », French Historical Studies, 8, 1973, p. 219.CrossRefGoogle Scholar Le choix des exposés lors de ces conférences était fait par Bignon, représentant du roi dans l'Académie, E. S. Saunders, art. cité, p. 148.

92. Jusqu'à 1699, l'Académie n'était pas une corporation mais au mieux une assemblée consultative présidée au nom du roi par les surintendants, dont le pouvoir se nourrissait de l'absence de protocole réglé concernant l'activité de l'Académie. Comme Léopold le faisait dans la Cimento, Colbert tenait l'agenda de l'Académie et décidait des tâches, J. M. Hirschfield, op. cit., pp. 63, 118.

93. Sur les tensions autour du statut d'auteur, de la publication et de la communication avec les étrangers, cf. A. Stroup, op. cit., pp. 200-209. Sur le développement du réseau de correspondants à partir de 1686, cf. ibid., p. 212. En 1688, les académiciens ne pouvaient rien publier sous leur nom sans l'approbation de l'académie, ibid., p. 205. L'auteur est explicitement reconnu dans les statuts de 1699, Règlement de 1699, dans Fontenelle, Histoire du renouvellement, p. 35.

94. R. Hahn, op. cit., p. 27. Certaines institutions contrôlent elles-mêmes les publications ou imposent un pseudonyme. Sur ces stratégies pour la Lincei, cf. Odescalchi, B., Memorie istorico critiche dell’ Accademia de Lincei e del Principe Federico Cesi, Rome, Salvioni, 1806, pp. 219220, 230.Google Scholar Sur les stratégies de la Compagnie de Jésus, cf. Ugo Baldini, « Una fonte poco utilizzata per la storia intellettuale : Le censurae librorum e opinionum nell'antica Compagnia di Gesu », Annali dell'lstituto Storico Italo-Germanico in Trento, 11, 1985, p. 37.

95. En 1677, le manuscrit de du Clos sur les principes des mélanges naturels fut refusé comme publication officielle à cause du risque d'offense à des « Philosophes délicats ». Il fut publié officieusement à Amsterdam, trois ans après, A. Stroup, op. cit., p. 206.

96. Cf. par exemple, Journal des Scavans, avril 1667, pp. 81-84 ; septembre 1667, pp. 157-160 ; décembre 1667, pp. 171-174 ; juillet 1668, pp. 66-72 ; septembre 1668, pp. 79-84 ; février 1669, pp. 11-12 ; septembre 1669, pp. 32-37 ; décembre 1669, pp. 37-42 ; février 1670, pp. 9-12. J'utilise l'édition originale imprimée à Paris par Jean Cusson.

97. Huygens, qui publiait dans le Journal depuis 1666, ne fut identifié comme membre de l'Académie qu'en 1672. Cela devint ordinaire pour tous après cette date.

98. Morgan, Betty Trebelle, Histoire du Journal des Scavans depuis 1665 jusqu'en 1701, Paris, Presses Universitaires de France, 1929, pp. 127174.Google Scholar

99. Académie Royale des Médailles et des inscriptions, Médailles sur les principaux événements du règne de Louis le Grand, Paris, Imprimerie Royale, 1702, p. 214. En place du nom d'auteur, se trouve mentionné : les « scavants hommes que le Roy entretient à l'Observatoire ». Cf. aussi I. Bernard Cohen, « G. D. Cassini and the Number of the Planets », Levere, Trevor H., Shea, William R. éds, Nature, Experiment, and the Sciences, Dordrecht-Boston, Kluwer, 1990, pp. 199205.CrossRefGoogle Scholar

100. Les Mémoires pour servir à l'Histoire des Plantes, Paris, Imprimerie Royale, 1676, furent publiés avec un nom d'auteur collectif, chaque contributeur étant identifié dans l'« Avertissement ». Par contre pour l'Histoire des animaux, Paris, Imprimerie Royale, 1687, l'académie adopta le nom d'auteur collectif, A. Stroup, op. cit., p. 207 ; R. HAHN, op. cit., p. 26 ; Bertrand, Joseph, L'Académie des Sciences et les Académiciens, Paris, Hetzel, 1869, p. 45 Google Scholar ; Hirschfield, J. M., op. cit., p. 146. Alors que le Recueil de Plusieurs Traitez de Mathématique de l'Académie Royale des Sciences, Paris, Imprimerie Royale, 1676 Google Scholar, précise les auteurs de chaque chapitre.

101. E. S. Saunders, art. cité, p. 76 ; J. M. Hirschfield, op. cit., p. 69.

102. Ibid., pp. 35,125,127 ; A. Maury, art. cité, p. 349. Les Transactions ne mentionnent pas le Recueil de Plusieurs Traitez de Mathématique…, c'est dire leur faible diffusion.

103. E. S. Saunders, art. cité, p. 183. Alors que certains recevaient des pensions pour leur participation académique, d'autres se mêlaient aux réunions ponctuellement, P. Clément éd., Lettres, Instruction et Mémoires de Colbert, op. cit., vol. V, pp. 470-498. Cependant les pensions n'étaient pas des paiements correspondants à un emploi, mais des gratifications sur lesquelles aucune taxe n'était prélevée, Stroup, A., « Royal Funding of the Parisian Académie Royale des Sciences during the 1690s », Transactions of The American Philosophical Society, 77, 1987, part. 4, p. 22.CrossRefGoogle Scholar Sur le caractère informel du statut de membre jusqu'en 1699, cf. E. S. Saunders, art. cité, pp. 183-188. La codification des statuts, des hiérarchies et des modes de recrutement s'élabore à cette date, Règlement de 1699, dans Fontenelle, op. cit., pp. 31-34.

104. Lorsque des disputes éclataient, l'Académie faisait son possible pour les tenir secrètes. Colbert intervint pour en calmer certaines dans les premières années, ce qui montre l'absence d'un protocole de la dispute, E. S. Saunders, art. cité, pp. 115-117,118-120, 209-211. Les prescriptions concernant l'attitude de politesse furent finalement inscrites dans les statuts de 1699 : « L'académie veillera exactement à ce que dans les occasions où quelques académiciens seront d'opinions différentes, ils n'emploient aucun terme de mépris ni d'aigreur l'un contre l'autre, soit dans leur discours, soit dans leurs écrits et lors même qu'ils combattront les sentiments de quelque Savant que ce pusse être, l'Académie les exhortera à n'en parler qu'avec ménagement », Règlement de 1699, dans Fontenelle, op. cit., pp. 36-37, 39.

105. Histoire de l'Académie Royale des Sciences, 1.1, pp. 102-103. La publicité de cette dispute tient sans doute au fait qu'au début de 1668, Mariotte n'était pas encore membre officiel de l'Académie, ce qu'il devint à la fin de cette même année, René Taton, « Mariotte et l'académie royale des sciences », dans Mariotte savant et philosophe, Paris, Vrin, 1986, p. 14. La réponse de Pecquet put alors paraître sous la forme d'une opinion concernant le travail d'un savant extérieur. L'échange de lettres fut publié dans Journal des Scavans, lundi 17 septembre 1768, pp. 79-82. Cependant, après son élection dans cette assemblée, Mariotte n'adoucit pas ses positions et répondit à la critique de Perrault en l'accusant de « préjugés », Réponse de Monsieur Mariotte à la lettre de Monsieur Perrault, OEuvres de Mariotte, La Hague, Neaulme, 1711, vol. 2, pp. 522-524. Semblable à Borelli ou Hooke, Mariotte montre ici une disposition à importer sa combativité au sein de l'académie qui s'efforce d'instaurer une discipline à cet égard. Les textes de cette dispute sont finalement publiés officiellement en 1676 dans Recueil de Plusieurs Traitez de Mathématique, pp. 1-26, décision peut-être liée à la plus grande influence de Mariotte au sein de l'Académie. Sur cette dispute, cf. Mirko Grmek, « Mariotte et la physiologie de la vision », Mariotte savant et philosophe, pp. 153-203.

106. Fontenelle, dans Histoire de l'Académie Royale des Sciences, t. 1, p. 99, attribue à Louis la volonté que l'académie se garde des controverses philosophiques dans ses publications à venir, et que tout ce qui pourrait être une cause de dispute soit contenu dans une sorte d'introduction au volume tout entier, C. Licoppe, art. cité, p. 226.

107. R. Hahn, op. cit., p. 32.

108. Samuel Sorbière l'expose clairement dans un discours à l'Académie de Montmor, où il évoque les sérieux problèmes d'étiquette qui gâchent les réunions et menacent la continuité de l'académie, cf. « Discours prononcé le 3 avril 1663, à l'ouverture de l'académie des physiciens qui s'assemblent tous les mardis chez Monsieur de Montmor », dans Guillaume BIGOURDAN, Sociétés savantes de Paris au XVIIe siècle, p. 16.

109. Roberval, par exemple, fut admis à l'Académie malgré son manque d'égard vis-à-vis de l'étiquette et des règles de la conversation polie. Cela n'eût pas été possible si l'Académie n'avait pas été un espace protégé du reste de la société policée.

110. Cité dans J. Clarke, art. cité, p. 219.

111. Fontenelle, Op. Cit. t. I, p. 16.

112. M. Lister, A Journey to Paris, p. 97.

113. Ibid., p. 81.

114. Harcourt Brown en traite, op. cit., pp. 180-181.

115. La Society souligne le nom d'auteur individuel, dans les travaux mêmes qu'elle soutient et qu'elle autorise de son propre imprimatur —comme dans le cas de la publication de la Micrographia de Robert Hooke en 1665, cf. Royal Society, Council Book, vol. 1, p. 19. Mais plutôt que de se préoccuper de récupérer le crédit accordé à cette publication, la Society s'attacha surtout à marquer ses distances polies avec l'auteur. D'après un passage du Council Book du 23 novembre 1664, on voit qu'il fut demandé à Hooke de préciser que ses opinions n'étaient pas celles de la Society tout entière, ibid., p. 82. Ce que fit Hooke dans l'hommage qu'il rendit à la Society au début de son livre.

116. Ce qui fut obtenu dès la première charte de fondation en 1662, Record of the Royal Society, pp. 234-235.

117. La correspondance scientifique, contenant souvent des informations politiques importantes, pouvait devenir dangereuse diplomatiquement : Oldenburg fut emprisonné trois mois en 1667, suspecté d'avoir manipulé des informations sur les guerres hollandaises. La charte de 1662 enjoint la Society de ne se consacrer qu'« aux choses philosophiques, mathématiques ou mécaniques », Record…, p. 235.

118. Les Transactions ne furent pas l'invention de Oldenburg ; une lettre de Sir Robert Moray, membre éminent de la Royal Society, évoque le fait que, ne pouvant plus répondre à toutes les lettres reçues, la Society projette d'en imprimer les réponses dans un journal, H. Brown, op. cit., p. 185. On trouve dans les minutes de la séance du 29 mars 1665 l'indication d'un article dont la publication doit être « différée jusqu'à ce que Sa Majesté se soit rapprochée plus étroitement des personnes qui peuvent avoir quelque lien avec l'invention examinée », Royal Society, Council Book, vol. 1, p. 91, preuve que la Society contrôlait le contenu des Transactions. Sur le statut ambigu des Transactions, cf. aussi E. N. da Andrade, C., « The Birth and Early Days of the Philosophical Transactions », Notes and Records of the Royal Society, 20, 1965, pp. 927.CrossRefGoogle Scholar

119. C. LICOPPE, art. cité, pp. 205-244. La notion de « témoignage virtuel » a été introduite par S. SHAPIN, « Pump and Circumstance », op. cit., pp. 490-497.

120. De même, l'Académie pouvait faire office de juge en matière d'innovations technologiques et de patentes, mais dans les limites du domaine royal exclusivement.

121. R. ILIFFE, « Foreign Bodies », non publié, traite du regard anglais porté sur les styles scientifiques continentaux. 122. Sur la conciliation difficile des rôles de gentilhomme et de philosophe expérimental, cf. S. Shapin, « A Scholar and a Gentleman », art. cité.

123. Sorbière, S., Relations d'un voyage en Angleterre, Paris, 1994, p. 75.Google Scholar

124. Ibid., p. 121.

125. W. E. Knowles Middleton, op. cit., p. 17.

126. Ibid., p. 76.

127. Les Anglais ont selon lui «un naturel rude», ibid., p. 110. Sur la pureté paysanne, cf. P. France, op. cit., pp. 35-36, 38.

128. T. Sprat, Observations On Monsieur de Sorbière's Voyage inio England, Londres, pp. 289-290. Il évoque l'aisance du style de Thomas More en notant sa « masculinité » (p. 267), ce qui est un trope. Sur la perception par Oldenburg de la « masculinité » de la science anglaise, cf. The Correspondance of Henry Oldenburg, vol. I, p. 287.

129. P. FRANCE, op. cit., pp. 56.131.

130. T. SPRAT, op. cit., p. 290

131. Les descriptions de Magalotti touchant le fonctionnement de la Royal Society se trouvent en anglais dans Waller, R. D., « Lorenzo Magalotti in England, 1668-1669 », Italian Studies, 1, 1937, pp. 5355.Google Scholar Voir aussi la lettre du 2 mars 1668 de Magalotti à Léopold dans A. FABRONI éd., op. cit., vol. 1, pp. 298-301, et celle de Alessandro Segni au même, datée du 20 janvier 1668, id., pp. 288-302. Voir également la description de S. SORBIÈRE, op. cit., pp. 88-90.

132. S. Shapin et S. Schaffer, Leviathan et la Pompe à air, op. cit., pp. 29-33.

133. Sur la prudence de Oldenburg concernant les lettres reçues à publier dans les Transactions, cf. S. Shapin, « O Henry », art. cité, p. 420.\

134. Latour, Bruno, Nous n'avons jamais été modernes, Paris, La Découverte, 1992 Google Scholar (Cambridge, Ma., Harvard University Press, 1993). Je doute que Latour soit d'accord avec une telle réinterprétation de sa thèse.