Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Ce que les tenants du courant conservateur ou légitimiste reprochent à la Révolution depuis le début du XIXe siècle et dès la Révolution elle-même, plus encore que d'avoir exécuté le roi et détruit la monarchie, c'est d'avoir détruit la famille. Or si l'on cherche dans les débats révolutionnaires les preuves de la préméditation d'un tel assassinat, on risque d'être déçu. Députés ou pamphlétaires évoquent la voix ou les droits de la Nature, la liberté ou le Bonheur de l'individu, l'autorité ou le despotisme paternel, les vertus conjugales ou filiales, l'éducation ou l'amour des enfants, etc. Mais si l'on met à part le tribunal de famille, l'institution la plus originale créée par la Constituante dans ce domaine, la famille, ce pôle majeur de la réalité sociale, ce lieu de pouvoir, de socialisation et de protection au sein duquel partisans et adversaires de la Révolution ont passé l'essentiel de leur existence, est rarement désignée comme telle.
What the French Revolution intended to throw into question and transform in the familial field stemmed largely from the expectations of French society at the end of the Ancien Régime concerning the distribution of powers among the state, family, and individual. But those expectations were contradictory: they sought both more civil and moral autonomy for the couple and the individual, and a more extensive state-provided Safety net for families in trouble. In the revolutionary legislation and the practices it ordained, one must thus isolate a will to maintain continuity with the Ancien Régime.
1. Cf. Gelis, J., Laget, M., Morel, M.-F., Entrer dans la vie, Paris, 1978 Google Scholar, et plus récemment, Gelis, J., La sage-femme ou le médecin, Paris, 1988 Google Scholar.
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3. C. Delasselle, «Les enfants abandonnés à Paris au xvme siècle», Annales ESC, 1975, n° l , p . 187-218.
4. J.-P. Bardet, «Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen», dans Hommage à M. Reinhard, Annales de démographie historique, 1973.
5. Cf. Hufton, Olwen H., The Poor in XVIIIth Century France, Oxford, 1974 Google Scholar.
6. Farge, A., Foucault, M., Le désordre des familles, Paris, 1972 Google Scholar.
7. F. Lebrun, « Amour et mariage », dans Histoire de la population française, t. II, chap. vu, op. cit.
8. Cf. J. Depauw, «Amour illégitime et société à Nantes au xvne siècle», Annales ESC, 1972, n° 4-5, pp. 1155-1182.
9. Aries, Ph., « Interprétation pour une histoire des mentalités » ; J. Sutter, « Sur la diffusion des méthodes contraceptives », dans La Prévention des naissances dans la famille, sous la direction de Bergues, H., Cahiers de l'Ined, Paris, 1960 Google Scholar.
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14. D. Weir, op. cit.
15. Burguière, A., « Le paysan français et les “ funestes secrets ” », dans Le paysan, Actes du colloque d'Aurillac, Paris, 1989 Google Scholar.
16. Sur la place des problèmes de la famille dans les cahiers de doléances, cf. Ph. Sagnac, La législation civile de la Révolution française, Paris, 1898, et Traer, James F., Marriage and the Family in the XVIIIth Century France, Ithaca-Londres, 1980 Google Scholar.
17. J. F. Traer, op. cit. Plus récemment, Ronsin, F., Le contrat sentimental. Débats sur le mariage, l'amour, le divorce de l'Ancien Régime à la Révolution, Paris, 1990 Google Scholar.
18. C'est le cas du maréchal DE Saxe, «Réflexions sur la propagation de l'espèce humaine, dans Mes rêveries, 1757, de Linguet (Théories des lois civiles, 1767) et de Cerfvol (Législation du divorce, 1769).
19. Cf. De Maillane, Pierre-Toussaint Durand, Dictionnaire de droit canonique, Paris, 1770 Google Scholar.
20. Ronsin, Francis, « Le divorce révolutionnaire », dans L'enfant, la famille et la Révolution française, Lévy, M. F. éd., Paris, 1990 Google Scholar.
21. Cf. Francis Ronsin, Le contrat sentimental, op. cit.
22. Albert Joseph Hennet dans son pamphlet, Du divorce (1789) regrette que l'indissolubilité n'ait pas été abolie la Nuit du 4 Août. Cambon, le 30 août 1792 affirme devant l'Assemblée législative que le divorce était implicitement autorisé depuis l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme.
23. Les travaux anciens de Cruppi, Marcel, Le divorce pendant la Révolution, 1792-1804, Paris, 1909 Google Scholar, et de Laurent, Gérard Thibault, La première introduction du divorce en France sous la Révolution et l'Empire, Montpellier, 1938 Google Scholar, restent utiles pour leurs évaluations statistiques et leur effort de synthèse. Parmi les monographies récentes, les deux plus importantes sont : Dominique Dessertine, Divorcer à Lyon sous la Révolution et l'Empire, Lyon, 1981, pour une approche quantitative ; Phillips, Rodrick, Family Breakdown in Late XVIIIth Century-France. Divorces in Rouen, 1792-1803, Oxford, 1980 Google Scholar. Des études sur Toulouse (Germain et Mireille Sicart), dans Mélanges dédiés à G. Marty, Toulouse, 1978, sur Rennes (Jean-Louis Védie, Thèse de droit, Rennes, 1975), Montpellier (Marc Ferret, Thèse de droit, 1926), Nancy (cf. Ducrocqmathieu, Annales de l'Est, 1955), Laon et Angoulême (James F. Traer, «The French Family Court », History, n° 196, 1974).
24. Selon Jean Bart (intervention en séminaire).
25. Cf. Roderick Phillips, op. cit.
26. Cf. Marcel Garaud, Romuald Szramkiewicz, La Révolution française et la famille, Paris, 1978 ; Joseph Goy, «La Révolution et la famille», dans Histoire de lapopulatiçon française, t. 2, chap. il, op. cit. ; Poumarède, Jacques, «La législation successorale de la Révolution entre idéologie et pratique», dans La famille, la loi, l'État de la Révolution au Code civil, I. THÉRY et Ch. Biet éds, Paris, 1989 Google Scholar.
27. Lelievre, J., La pratique des contrats de mariage chez les notaires du Châtelet de Paris, 1769-1804, Paris, 1959 Google Scholar.
28. J. Lelievre, op. cit.
29. Jean Bart, « La pratique du contrat de mariage dans la région dijonnaise à la fin du xvme et au début du xix” siècle », Mémoires de la Société pour l'histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands, fasc. 27, 1966.
30. Cf. De Brandt, Alexandre, Droit et coutumes des populations rurales de la France en matière successorale, Paris, 1901 Google Scholar qui a testé l'hypothèse et esquissé une géographie des résistances. De nombreux travaux récents de caractère monographique ont poursuivi la même piste.
31. Eyquem, Albert, Le régime dotal. Son histoire, son évolution et ses transformations au XIXe siècle sous l'influence de la jurisprudence et du notariat, Paris, 1903 Google Scholar.
32. Arnaud-Duc, Nicole, Droit, mentalité et changement social en Provence occidentale. Une étude sur les stratégies et la pratique notariale en matière de régime matrimonial de 1785 à 1855, Aix-en-Provence, 1985 Google Scholar.
33. Moniteur, t. 17 : séance du 22 août 1793.
34. Ibid.
35. Ibid.
36. Ibid.
37. Cf. Bernard Schnapper, « Liberté, égalité, autorité. La famille devant les assemblées révolutionnaires (1790-1800)», dans L'enfant, la famille et la Révolution française, op. cit.
38. Brinton, Crain, French Revolutionnary Législation on Illegitimacy, 1789-1804, Harvard, 1936 Google Scholar.
39. « Opinion sur le vrai sens de la loi du 12 Brumaire », Cinq cents, 1798.
40. Intervention au tribunat, dans Fenet, P.-A., Recueil complet des travaux préparatoires au code civil, Paris, 1836 Google Scholar, t. VIII.
41. Dans Fenet, t. VIII, op. cit.
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43. André Burguière, «Pour une typologie des formes d'organisation domestique de l'Europe moderne, xvr'-xix’ siècles», Annales ESC, n° 3, 1986, pp. 639-655.
44. Précisons pour la petite histoire que le troisième terme, Fraternité, n'a été ajouté qu'en 1848, mais on parlait déjà beaucoup de fraternité sous la Révolution.