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Perception des paysages, action sur l'espace : la Suisse au XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

François Walter*
Affiliation:
Université de Fribourg

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Dans cet empire, l'Art de la Cartographie atteignit une telle Perfection que la Carte d'une seule Province occupait la superficie de toute une Ville, et la carte de l'Empire, toute une Province. Ces Cartes Démesurées finirent néanmoins par paraître insuffisantes et les Collèges de Cartographes dressèrent une Carte de l'Empire qui avait la taille de l'Empire lui-même et coïncidait exactement avec celui-ci

(J. L. Borges et A. B. Casares, Chroniques de Bustos Domecq, Paris, 1970, p. 44).

L'entreprise hardie que le critique H. Bustos Domecq prête à de lointains cartographes relève en réalité d'une pratique élaborée de la théorie du signe. Ici plus que jamais la représentation s'est appropriée le réel au point d'abolir quasiment les différences qui l'en séparaient. La carte, dès lors signifiant autant que signifié, se substitue à l'espace.

Summary

Summary

Every society is characterized by its own particular conception and symbolic representation of space. Thus 18th century observers display a renewed interest in Switzerland. Travellers describe their experience in terms peculiar to the semiotics of the classical ages. Nevertheless, their accounts are already intermingled with a certain subjective outlook which announces romanticism. The spatial archetypes common to all descriptions are often aitered with respect to reality and relate to the order of nature and society. The specific character of the Swiss towns provokes reflections on the concept of order, i.e. the organization of space. This discussion on planning is chiefly held on the local and regional scale, and it is led by people anxious to act upon the economic cycle. However, there is no spectacular application nor can there be encountered any examples of spontaneous and original town-planning. Space does remain a constant in the legal and political discourse. By associating spatial with social change the leading classes of the aristocratic cantons hope to protect themselves from it.

Type
Les Domaines de L'Histoire
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1984

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References

Notes

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35. Voir à ce propos la postface de M. H. Conan au livre étonnant de de Girardin, R.-L., De la composition des paysages, Genève, 1777 Google Scholar (réédition Paris, 1979). Consulter également D. Mornet, op. cit., pp. 218-258 et Heyer, H.-R., Historische Gàrten der Schweiz, Berne, 1980.Google Scholar L'imaginaire spatial des différentes catégories sociales se retrouve dans les œuvres de fiction. Pour un exemple helvétique du xviie siècle, consulter Walter, F., « Lecture symbolique d'un espace insulaire. Le Robinson suisse de J.-D. Wyss », Geographica helvetica, 38 (1983), pp. 121126.Google Scholar

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47. De Luc s'exprime ainsi dans un autre livre que celui cité ailleurs dans cet article (voir note 5). Il s'agit des Lettres physiques et morales sur l'histoire de la terre et de l'homme adressées à la reine de la Grande Bretagne…, Paris-La Haye, 1779.

48. Étrennes helvétiennes et patriotiques pour l'an de Grâce 1795.

49. D'après une définition de Jean-Luc Piveteau. Sur le sentiment national en Suisse, Frei, voir D., Die Fôrderung des schweizerischen Nationalbewusstseins nach dem Zusammenbruch der Alten Eidgenossenschaft 1798, Zurich, 1964.Google Scholar

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51. Mémoires… de la Sociétééconomique de Berne (MSE), 1766, VII, pp. 103-104.

52. La première édition de cet opuscule date de 1761. Nous citons d'après l'édition complète des œuvres de Tissot publiée à Lausanne en 1790 (14 volumes). Le docteur est membre de la Société économique de Berne. Certaines de ses pages ne dépareraient pas l'étonnante collection de documents réunis par Corbin, A., Le Miasme et la jonquille. L'odorat et l'imaginaire social. 18e–19e siècles, Paris, 1982.Google Scholar

53. MSE, 1766, VII, 1, p. 102. S.-A.-D. Tissot, « Essai sur les maladies des gens du monde », dans OEuvres…, t. 4.

54. Tissot, S.-A.-D., « Essai sur les moyens de perfectionner les études de médecine », dans OEuvres…, t. 14 Google Scholar. Le mot « climat » à l'époque désigne au sens large une situation géographique, donc le milieu physique. Sur ce thème voir l'ouvrage du patricien bernois qui remplit des mandats administratifs dans plusieurs régions de Suisse dont il est un fin observateur, Charles-Victor de Bonstetten. U publie en 1824 à Genève un opuscule sous le titre, L'Homme du Midi et l'homme du Nord ou l'influence du climat.

55. P. Dockès, op. cit., passim.

56. Jean Herrenschwand (1728-1811) a vécu en France et en Angleterre. Son œuvre majeure est publiée en 1786 à Londres sous le titre, De l'économie politique moderne. Discours fondamental sur la population. Voir Jöhr, A., Jean Herrenschwand, ein schweizerischer Nationalökonom des 18ten Jahrhunderts, Berne, 1901.Google Scholar

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58. Sur la définition de l'argent comme pur « signe de la richesse » qui « l'annonce et ne la fait point », voir l'Encyclopédie oeconomique, t. 2, p. 228. Et aussi les explications de M. Foucault, op. cit., au chapitre vi.

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60. H. R. Rytz en a démêlé les fils conducteurs dans une thèse remarquable, Geistliche des alten Bern zwischen Merkantilismus undPhysiokratie. Ein Beitrag zur schweizer Sozialgeschichte des 18. Jahrhunderts, Bâle et Stuttgart, 1971. L'histoire et la pensée de la Société économique font en outre l'objet d'une vaste littérature sur laquelle il n'est pas opportun de revenir ici.

61. Mémoires et Observations recueillies par la Société économique de Berne, Berne, 1760 à 1772 (en 37 volumes, cités MSE).

62. MSE, 1762, III, I, pp. 3-51. De telles enquêtes seront reprises par les sections affiliées à la Société bernoise. Ainsi le Plan du travail proposé pour l'avancement de l'agriculture, des arts et du commerce…, Fribourg, 1763. « Au reste plus les détails seront grands, exacts, faits avec système, rangés avec ordre, et plus ils seront utiles ». MSE, 1762, III, 1, p. 17.

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65. MSE, 1765, VI, 3, p. 39.

66. Sur ce thème, E. Fueter, Geschichte der exakten Wissenschaften in der schweizerischen Aufklàrung (1680-1780), Aarau, 1941.

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70. MSE, 1765, VI, 2, p. 297 et aussi 1765, VI, 3, p. 154.

71. MSE, 1766, VII, 2, p.128. Ce sont là des positions extrêmes mais révélatrices d'un état d'esprit auxquelles répondra un contradicteur, de forme plus que de fond, avec un texte intitulé « Réflexions sur l'agriculture dans les villes et sur les arts à la campagne », MSE, 1769, X, 1.

72. Sur la fondation de Versoix-la-Ville, Fermer, Jean-Pierre, Histoire de la commune de Versoix, Versoix, 1942, pp. 4162 Google Scholar. Voltaire avait aussi projeté de construire une ville à Ferney.

73. Le plan est reproduit dans Lettressur la Suisse…, t. l,p. 204. D'après l'auteur, Jean Benjamin Laborde, « 40 belles maisons » auraient déjà été construites et habitées. En réalité, à part les fondations de quelques maisons établies en 1777 lors d'une seconde tentative de construire la ville, il n'y a, à Versoix, que des baraquements et des fermes déjà existantes, au grand dam de Voltaire d'ailleurs. L'installation d'une fabrique de lampes permit de fixer à Versoix-la-Ville un certain nombre d'habitants. Versoix-la-Ville fusionne en 1794 avec Versoix-le-Bourg sous le nom de Versoix-la-Raison.

74. Fortier, Bruno et Vayssière, Bruno, « L'architecture des villes. Espace, cartes et territoires », Urbi, n° 3,1980, pp. LIIILXII Google Scholar. Ces auteurs signalent aussi le cas de Versoix.

75. Sur Carouge, le beau livre de Corboz, A., Invention de Carouge 1772-1792, Lausanne, 1968.Google Scholar

76. Il faut mentionner, pour avoir le tableau complet des tentatives urbanistiques de l'âge classique, le cas d'Henripolis. Cette ville fut projetée sans suite dans le comté de Neuchâtel au bord du lac de même nom (1626). Citons aussi, sur le territoire de l'évêque de Bâle, la transformation d'Arlesheim en résidence épiscopale vers 1679. A proximité du village existant, une toute petite ville est alors planifiée avec une cathédrale (qui servira au diocèse de Bâle jusqu'en 1828) et une série de maisons résidentielles pour les chanoines du chapitre.

77. Sur ce thème surtout Bodmer, W., « Die Wirtschaftspolitik Berns und Freiburgs im 17. und 18. Jahrhundert », Archiv des historischen Vereins des Kantons Bern, 57 (1973)Google Scholar et du même auteur « Tendenzen der Wirtschaftspolitik der eidgenössischen Orte im Zeitalter des Merkantilismus », Revue suisse d'Histoire, 1(1951), pp. 592593.Google Scholar

78. On lira la profession de foi que constitue l'article Oeconomie politique de l'Encyclopédie oeconomique…, t. 10, p. 450 ss. « L'œconomie politique a pour objet l'accroissement de la richesse et propriété nationale, qui consiste dans la masse générale de toutes les richesses et propriétés particulières… Le Gouvernement n'a rien de mieux à faire que d'aider et d'encourager l'intérêt particulier, à développer toute son activité… »

79. Sur ce thème, l'étude suggestive à laquelle nous sommes redevable des grandes lignes de notre problématique : Piveteau, Jean-Luc : « L'aménagement du territoire est-il en Europe occidentale, une invention de la deuxième moitié du xxe siècle ? », dans Recherches de Géographie rurale. Hommage au Professeur Frans Dussart, t. II, Liège, 1979, pp. 9911002 Google Scholar. Remarquons aussi que le thème de l'aménagement a jusqu'ici peu retenu l'attention des historiens. Pour la Suisse, une exception, l'article de Bergier, Jean-François, « Histoire et aménagement du territoire. De quelques expériences de la Suisse médiévale », D.I.S.P., n° 56, janvier 1980, pp. 613.Google Scholar

80. C'est ce que M. Foucault considère comme l'un des aspects essentiels de la rupture épistémologique de la fin du xvIIIe siècle (op. cit., p. 228 notamment). Pour Gaudin, J.-P. (L'Aménagement de la société, Paris, 1979, p. 116)Google Scholar, perception et action sur l'espace au xixe siècle se résument en une diffusion de la représentation bourgeoise du travail salarié. C'est là tout un programme qui déborde le cadre de cette étude.

81. Perrot, J.-Cl., « Le présent et la durée dans l'oeuvre de Fernand Braudel », Annales E.S.C., n° 1, 1981, pp. 315.Google Scholar

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83. « Discours sur l'histoire naturelle de la Suisse », p. III, dans Tableaux de la Suisse, ou Voyage pittoresque fait dans les XIII Cantons du Corps Helvétique, représentant les divers phénomènes que la Nature y rassemble, et les beautés dont l'Art les a enrichis, seconde édition, t. I, Paris, 1784. 84. Publié dans Le Conservateur suisse ou Recueil complet des Étrennes helvétiennes, 1813, t. 3, p. 243 ss.

85. Pour un exemple suisse du xvIIIe siècle, les remarques de William Coxe comparant les deux côtés du Léman : le Chablais aride transcrivant l'influence de l'autorité absolue, le riant Lavaux étant l'effet de la liberté (Lettres de M. W. Coxe…, t. II, p. 150). Ou encore F. Robert, op. cit., t. l,p. 20.

86. Voir surtout les textes de Jean Bertrand, Benjamin Carrard, Gabriel Seigneux de Correvon et Abraham Pagan, tirés à part des Mémoires (MSE), et publiés par De Felice en 1766, Essais sur l'esprit de la législation favorable à l'agriculture, à la population, au commerce, aux arts, aux métiers…, t. I et II, Paris (Yverdon), 1766.